Train Fantôme ► Interview de Macula Nigra & Simon Poligné

Publié le 16 novembre 2023 / -

L’installation luminescente Train Fantôme était présentée lors de la 23è édition du festival Maintenant, du 5 au 8 octobre à Rennes. Issue de la rencontre entre les plasticiens et scénographes Macula Nigra et Simon Poligné, l’œuvre est une maquette en 3 dimensions aux multiples jeux de couleurs, impressions et lumières qui nous transporte dans une fête foraine foisonnante. 

L'interview

Pouvez-vous vous présenter en tant qu’artiste ?

« Je m’appelle Simon Poligné, je suis plasticien/scénographe, et aussi musicien. Ça fait maintenant 20 ans que je parcours différents médiums de création, de l’espace à la sculpture en passant par la peinture. J’ai rencontré mon collègue Macula Nigra dans le cadre d’une édition d’artiste, il s’était chargé d’éditer un livre sur mon travail. »

« Je suis Loïc Creff, et j’officie sous le nom de Macula Nigra. Je suis un artiste visuel, qui évolue plutôt dans le milieu des arts imprimés et graphiques à Rennes, notamment un sein d’un collectif qui s’appelle le Marché Noir. J’ai commencé à travailler avec Simon autour du projet du Train Fantôme cette année lors d’une résidence au printemps qui a eu lieu à Superflux à Bazouges-la-Pérouse. »

Pouvez-vous nous raconter l’histoire de la création Train Fantôme ?

Simon Poligné : 
« Pour cette résidence, on avait chacun notre atelier, mais comme on se connaissait, on s’était donné l’idée de travailler ensemble à mélanger nos techniques. On a tous les deux une passion commune pour le collage analogique, c’est-à-dire papier/ciseaux, assembler des images à partir de documents qu’on glane.

On a commencé à fabriquer plein de petites maquettes en collage et on avait amené un petit circuit de train, qui au départ servait plutôt comme un travelling, c’est-à-dire une machine à filmer. Ce petit train avec un wagon supportait un téléphone portable qui permettait de filmer des boucles et ainsi de créer des petits univers, des architectures, des petits trucages, à échelle miniature.

Finalement, comme on était en résidence dans un village en campagne et que les ateliers avaient de grandes vitrines, on a eu envie de les animer, en particulier pour les enfants du village qui passaient devant tous les jours pour aller à l’école. L’idée était de recréer des animations de vitrine à l’ancienne.

On a aussi un autre point commun, c’est qu’on a souvent des petites touches de fluo, dans nos collages, dans mes peintures et dans les sérigraphies de Loïc. Le soir, en montant notre petite vitrine, Loïc a sorti un tube de lumière noire et tout à coup, on s’est rendu compte qu’on pouvait fabriquer un monde assez spectaculaire avec 3 bouts de ficelle fluo. »

De quel thème traitez-vous avec cette installation ?

Macula Nigra : 
« La thématique de Train Fantôme est au croisement de la notion de diorama (petite maquette) et de la fête foraine, avec l’univers graphique et iconographique qu’on y retrouve : le travail des enseignes et des gens un peu en marge, qui se marient plutôt bien avec cette notion de fluorescence. »

Simon Poligné : 
« Ce qui nous intéressait aussi, c’était de faire une référence à l’art forain, d’où le nom de Train Fantôme, et en même temps de ne pas en faire un hommage historique, d’être plutôt dans quelque chose d’actuel, voire rétrofuturiste. Puis finalement d’être dans un monde complètement imaginaire et personnel. »

En quoi cette œuvre appartient-elle au champ des arts numériques ?

Simon Poligné : 
« Alors la dimension art numérique du Train Fantôme, elle est moins dans l’installation en elle-même que dans ce qu’en fait le public. Le charme finalement de cette installation, c’est ce côté DIY, c’est-à-dire fait à la main, très tactile, où tout est très réel, en miniature, il y a des mélanges de textures, de formes, de personnages, de trompe-l’œil, etc. Tout est appréciable à l’œil nu, les petits mécanismes sont assez simples, mais finalement avec la fluorescence et le contraste extrême, les visiteur·ices quand i·elles le filment ou le prennent en photo, décalent complètement cette apparence-là. Beaucoup de gens sont très surpris de la réalité de l’installation, on peut l’imaginer à échelle 1. Il y a aussi cette surprise de la réalité de quelque chose de petit et de très tangible. »

Comment imaginez-vous la suite pour Train Fantôme ?

Macula Nigra : 
« Les perspectives qu’on a pour l’instant sur cette installation, c’est de la développer notamment en termes de taille et aussi avec une forme qui pourrait impliquer un peu plus le public. Sous forme de petites vidéos qui pourraient être réalisées directement à partir du train. Le public pourrait placer un téléphone qui va ensuite cheminer sur un circuit un peu plus complexe et révéler pas mal de surprises, notamment des parties qui seraient masquées dans des tunnels. On rejoindrait vraiment l’idée du train fantôme tel qu’il existe sur les fêtes foraines. On aimerait aussi développer les notions de cinétique avec des éléments qui vont tourner, peut-être des effets d’apparition, de la fumée, des effets de magie, avec par exemple la technique du Pepper’s ghost. »

Simon Poligné : 
« Dans le développement,  je pense à toute cette culture de l’animation de vitrine qui est vraiment un phénomène culturel qui s’est un peu perdu. Maintenant, il n’y a que les très grosses enseignes qui se permettent de faire ça et nous on aimerait bien creuser dans tous ces petits mécanismes qui servaient à animer, à créer du mouvement à partir de petits câbles, de petits moteurs, de faire autant des références à cette culture foraine telle que nous on la perçoit et aussi à cette culture réelle du diorama. »